Calligraphie japonaise

“Il nous suffit de voir la texture d’un papier du Japon, pour sentir une sorte de tiédeur qui nous met le cœur à l’aise.”
Éloge de l’ombre, Junichirô Tanizaki

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La calligraphie

Résidente à Tokyo pendant douze années et loin des clichés habituels d’un Japon moderne et déshumanisé, c’est à la beauté pure et poignante de la culture japonaise, que Valérie Laudier s’est profondément attachée.
Toujours passionnée par la peinture, elle n’a pu résister là-bas à la tentation partout ambiante d’apprendre la calligraphie ou shodo, « voie de l’écriture ». « Art de l’écriture » ou « peinture lettrée », elle est une véritable fusion entre les caractères ou mots et les traits du peintre.

C’est en 2003 que Valérie Laudier a commencé à étudier, dans la pure tradition, la calligraphie au sein de l’Ecole Zengoshei-in, sous l’enseignement de Maître Kayo Nakamura. Au-delà des techniques très précises de maîtrise du pinceau, le maître lui enseigna les références esthétiques des arts culturels japonais, qui cultivent la concentration et le calme – du corps et de l’esprit.

Calligraphie, copie ou interprétation ?

Il est d’usage dans l’apprentissage de la calligraphie d’étudier les œuvres des grands maîtres et de les copier. Toutefois, le mot “copier” traduit bien mal cette activité. Mieux vaut parler “d’interprétation”, puisqu’il s’agit en effet de retrouver le rythme musical du pinceau du maître.

Comme le pianiste qui interprète la pièce du compositeur, comme le danseur qui interprète une chorégraphie. La calligraphie est un mode d’expression personnelle. C’est l’état d’esprit, l’énergie, le tempérament qui se manifestent dans l’exécution.

La tenue du pinceau, la posture, la concentration, la maîtrise de l’attaque d’un trait, la nuance de son tracé, le courant dans l’enchaînement, l’énergie exprimée, sont autant d’enjeux qui dépassent la simple exécution d’une écriture.

De la calligraphie à la peinture

Très vite, Valérie Laudier est de moins en moins obstinée à saisir les sens précis de chacun des kanjis (caractères).

Bien sûr le sens a son importance, mais il existe des calligraphies qui deviennent illisibles même pour les Japonais tant les caractères y sont reliés de manière abstraite.

Ce qu’il faut alors apprécier : les effets de mouvements et les multiples nuances dans les tons de l’encre, tout comme dans une œuvre purement abstraite. Aussi cette audace dans le trait qui devient balade ou mouvement est une richesse indispensable dans l’art de la peinture. 

Le sumi-e, ou peinture à l’encre traditionnelle d’origine chinoise, n’appelle-t-il pas aux techniques et principes de la Calligraphie ? Peindre une branche de bambou ne demande-t-il pas une véritable maîtrise du geste afin de contrôler son tracé pour exprimer toute la force du tronc, sa flexibilité et enfin la souplesse des branches et de ses feuilles volant au vent… 

pinceaux de travail sur papier calligraphie

Le Montage

Dans le cadre de tout parcours de calligraphie et de peinture, il est impossible d’ignorer l’art du montage de rouleaux de soie et de paravents, supports de cette poésie picturale, que des maîtres cultivent depuis des siècles. Ainsi appliquées sur les divers panneaux d’un paravent, ou sur un rouleau suspendu, la peinture et la calligraphie deviennent objet que l’on plie ou déroule, de manière à n’exposer que ce que l’on désire. 

Au sein d’un atelier de restauration d’œuvres « papier » pour le Musée National des arts de Ueno à Tokyo, Valérie Laudier a poursuivi pendant cinq années un enseignement des méthodes ancestrales de l’art du montage incluant la technique du marouflage (dit ura-uchi), étape essentielle des encadrements des calligraphies japonaises.

Cette technique sophistiquée consiste à coller l’œuvre peinte sur une feuille de papier japonais (dit washi) avec de la colle à l’amidon et de larges pinceaux plats. Grâce à ce procédé, les couleurs ressortent mieux, l’œuvre devient plus résistante à l’humidité et plus rigide, avant de l’appliquer définitivement sur le panneau du paravent.

Cette connaissance des techniques de montage m’a conduite à créer mes propres modèles de paravents dans la continuité de mes créations picturales. Ainsi, paravent et peinture ne font qu’une seule et même œuvre. 

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